ÉTAT DES LIEUX: près de 10 mois après le début de la crise sanitaire et économique liée à la Covid-19, le Comité professionnel des galeries d’art a souhaité faire un point d’étape sur la santé financière des galeries.
Enquête menée auprès de ses 279 adhérents en novembre dernier pour la période janvier-octobre 2020, cette étude de la CPGA (COMITÉ PROFESSIONNEL DES GALERIES D’ART) met en exergue la baisse conséquente des chiffres d’affaires malgré les aides transversales aux entreprises et les mesures spécifiques tel que le budget d’acquisitions exceptionnelles du Centre national des arts plastiques (CNAP).
En dépit d’une fréquentation plutôt en augmentation depuis janvier 2021, les perspectives 2021 restent préoccupantes.
L’impact sur l’emploi, et sur les artistes que ces structures représentent, confirme les conséquences de la crise sur l’ensemble du secteur. Compte tenu du poids de l’international sur le marché de l’art, l’absence de foire a renforcé la baisse d’activité.
L’étude précédente, réalisée en mars, rendait compte de la fragilité d’un grand nombre de galeries d’art, et présageait qu’1/3 d’entre elles pouvaient ne pas se relever de l’année 2020. En dépit d’une fréquentation plutôt en augmentation depuis janvier, les perspectives 2021 restent préoccupantes.
L’ETUDE (PDF) – CPGA_Galeries_dans_la_crise_Janv Oct 2020
CHUTE DU CHIFFRE D’AFFAIRES MALGRÉ LES AIDES
Entre janvier et octobre 2020 le chiffre d’affaires des galeries a reculé pour 78% d’entre-elles. Un tiers environ (31%) déclare avoir eu une baisse de chiffre d’affaires de l’ordre de 25 à 50% et un autre tiers déclare une diminution de son chiffre d’affaires de plus de 50% par rapport à 2019. L’examen des évolutions mensuelles indique que les pertes les plus importantes sont survenues entre mars et mai alors que les espaces étaient fermés ; période habituellement intense en termes de foires. Le retour du public en galerie à partir du mois de juin améliore légèrement la situation mais la proportion de galeries déclarant avoir un chiffre d’affaires mensuel en baisse par rapport à la période équivalente de 2019 reste de 60% en juin et se fixe aux alentours de 50% en septembre et en octobre (1).
Plus de la moitié des galeries (62%) déclare un chiffre d’affaires inférieur à 1M€, un peu plus d’un quart entre 3 et 5 M€ et 12% plus de 5 M€.
Les galeries qui accusent les plus fortes baisses de chiffre d’affaires sont celles situées dans les tranches « extrêmes », à savoir celles en dessous de 500 K€ et celles dont le CA est supérieur à 3 M€: près de 40% des galeries relevant de chacune de ces tranches affichent des pertes de CA supérieures à 50%. C’est pourquoi,
lorsque les aides de l’État diminueront, les galeries qui n’ont pas la trésorerie suffisante ne pourront survivre dans la durée.
Impact sur l’emploi
Les galeries sont de très petites entreprises : plus des deux tiers emploient moins de 4 personnes ; 20% entre 5 et 9 ; et seulement 4% plus de 10 personnes. Les aides aux entreprises n’ont cependant pas empêché les petites structures à réduire leurs équipes puisque 25% des galeries annoncent avoir baissé leurs effectifs, ; parmi elles 48% des galeries employant de 1 à 4 personnes. Maillon essentiel du secteur économique des arts visuels à part entière, les galeries génèrent également un nombre important d’emplois induits (régisseurs, encadreurs photographes, transporteurs…) dont le sort dépend directement de celui des galeries. Des artistes en danger – La part des artistes vivants est largement majoritaire dans la palette des artistes représentés par les galeries. 73% des galeries ont plus de 60% d’artistes vivants dans leur portefeuille d’artistes et 35% assurent la promotion d’artistes contemporains exclusivement. La fragilisation des galeries touche, par ricochet, les artistes de la scène française puisque pour près de 50% des galeries, leurs artistes sont à 60% issus de la scène française. Enjeu d’autant plus important lorsque l’on connaît la précarité des artistes en France : en 2017, plus de la moitié des artistes annonçaient des revenus artistiques
inférieurs à 8784 € par an (2).
LES ENTREPRISES ET LES PROFESSIONS LIBÉRALES, UN VIVIER CRUCIAL DE COLLECTIONNEURS
Dans cette période d’incertitude économique où les acquisitions par les particuliers et par les institutions tendent déjà à diminuer, la clientèle que représente les entreprises est décisive pour les galeries d’art et leurs artistes: 72% des galeries déclarent vendre des œuvres à des entreprises. Pour 37% des galeries, le poids des achats des entreprises est de 10 à 20% de leur chiffre d’affaires, voire plus pour les petites galeries. A l’heure où il est sur la sellette, le dispositif fiscal de la Loi Aillagon dédié aux entreprises (3) constituerait pourtant un levier de relance décisif : sachant que le CA moyen des galeries est de 1,65 M€ annuels, les ventes aux entreprises peuvent ainsi représenter jusqu’à 55 K€ de CA pour les galeries au CA inférieur à 500 K€.
De plus, ouvrir le dispositif fiscal incitatif aux professions libérales, permettrait de renouveler le vivier d’acheteurs actifs sur le marché national dans le cadre de la relance post-crise : 83% des galeries déclarent en effet vendre des œuvres à des professions libérales.
HAUSSE DE FRÉQUENTATION MAIS POURTANT LES FOIRES, LA RELATION CLIENTS ET LE TOURNANT NUMÉRIQUE : DES PRIORITÉS EN 2021
La reprise des foires est annoncée comme prioritaire pour 75% des galeries. Ce plébiscite des foires témoigne du besoin permanent des galeries d’élargir leur marché et de renouer avec un dynamisme international.
Soigner les relations avec leurs collectionneurs apparaît d’ailleurs comme la seconde priorité. En effet, pour un galeriste, l’enjeu pendant cette période de crise sanitaire, réside à faire perdurer le lien qu’il a avec ses clients, et à toucher de nouveaux acheteurs. Et ce alors même que la fermeture des musées et centre d’arts,
conjuguée à l’absence des foires, réduit considérablement les multiples synergies entre public et privé.
Ces enjeux, dans le cas de l’art contrairement à d’autres domaines, ne peuvent être répondus par les seules solutions digitales : l’appréciation de visu des œuvres est, le plus souvent, une étape décisive dans le processus de découverte de l’artiste et de son travail.
C’est pourquoi le numérique n’intervient qu’en 3e position dans l’ordre des priorités des galeries en 2021 : alors que la pandémie les a contraintes à accélérer leur transformation numérique trop limitées, les galeries restent frileuses vis-à-vis des plateformes collectives de ventes : 40% d’entre elles ne disposent d’aucun abonnement. Désireuses de garder leur autonomie, les galeries travaillent la maîtrise de leur présence numérique afin d’orienter le trafic vers leurs propres outils. Plus d’une galerie sur quatre a d’ailleurs déjà entrepris la rénovation de son site en 2020, comptant sans doute sur l’avènement à moyen terme de jours meilleurs et d’un retour au ‘brick and mortar’.
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1 L’étude couvre la période de janvier à octobre, et n’inclut donc pas les chiffres liés à la seconde fermeture en novembre.
2 Rapport d’activité sécurité sociale MA, 2018
3 Article 238 bis A B du Code général des impôts
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Depuis 1947, le CPGA représente les galeries en France et défend leurs intérêts auprès des politiques, des représentants
institutionnels et des autorités administratives. Il prend part à l’élaboration des réglementations du marché de l’art et
contribue aux politiques culturelles favorisant le développement de l’ensemble du secteur. Le Comité informe et
renseigne ses 303 galeries adhérentes, des antiquaires aux galeries d’art contemporain, quant aux spécificités de leur
statut et obligations, en les accompagnant sur des sujets techniques. Depuis quelques années, le CPGA est impliqué
dans des événements culturels majeurs afin de construire une meilleure visibilité des galeries d’art, véritables partenaires
de la création artistique. Il œuvre également au développement de la scène artistique française à l’international.
Présidente : Marion Papillon (galerie Papillon) – Vice-Président(e)s :Isabelle Alfonsi (galerie Marcelle Alix) – Benoît Sapiro (galerie Le Minotaure) – Trésorier : Philippe Charpentier (galerie mor charpentier)- Déléguée Générale : Géraldine de Spéville – Directrice juridique : Gaëlle de Saint-Pierre