Un constat qui dérange
Le Comitato Artei Ventoz déclare.:”Toute cette agitation ! Et pourquoi.
Notre propos concerne ce qui se dissimule derrière l’expression fourre-tout « le marché de l’Art », le marché des œuvres d’art.
Une œuvre d’art exprime une idée, concrétise une expression sensible et se doit d’être le reflet de l’intention de l’artiste.
C’est en effet le résultat du travail de l’artiste, et en tant que tel ce travail évoque la notion ancienne de chef d’œuvre, qui était la preuve d’excellence que devait présenter le compagnon pour être promu à la maîtrise.
L’œuvre d’art c’est aussi un objet interactif en ce qu’il fait ressortir l’émotion de celui qui l’observe.
Loin de ces lieux communs, la réalité à laquelle les acteurs du marché des œuvres d’art se heurtent au quotidien n’est pas aussi évidente à cerner.
La législation fiscale a construit autour de l’œuvre d’art une doctrine de l’originalité.
Il faut que l’œuvre soit une expression authentique de l’artiste, qu’il ait existé un lien physique entre l’œuvre et l’artiste et enfin que l’œuvre soit unique.
L’authenticité, le mot est lâché.
Ce mot est tout à la fois un sésame et l’expression d’un jugement sans appel.
Pour autant il n’existe pas de définition générale de l’authenticité, ni de méthode déterministe qui permette de l’attribuer à une œuvre.
Dans l’affaire « La Rosine » la Cour de Cassation a écarté purement et simplement du débat celui relatif à l’authenticité.
A la base il faut considérer qu’aucun des éléments habituellement répertoriés pour cerner la notion d’authenticité n’a de réelle légitimité sur un plan purement juridique, qu’il s’agisse de la description de l’objet, du catalogue raisonné ou des témoignages des proches de l’artiste.
La Cour de Cassation a donc déplacé le débat en direction de la qualité de l’information fournie par le vendeur.
Première constatation, telles qu’elles sont pratiquées actuellement l’authenticité et l’authentification, ne sont donc que des formules ronflantes.
Dans « marché de l’art » il y est aussi question de marché.
Comment doit s’apprécier le marché de l’art au travers des Lois du Marché.
En premier lieu il convient de rappeler que les lois du marché ne peuvent fonctionner que sur un marché parfaitement concurrentiel, c’est-à-dire un marché dans lequel aucun acteur, aucun agent particulier ne peut à lui seul influencer la fixation du prix.
Il n’est pas dans notre propos de disserter sur ce qu’évoque l’analyse du marché de l’art tel qu’il se présente actuellement au simple visa de cette définition liminaire.
Il convient de se focaliser sur ce qui permet d’avancer dans cette analyse.
L’une des conditions au jeu parfait de la concurrence est la transparence du marché, c’est-à-dire que tous les agents, tous les acteurs connaissent en même temps toutes les informations utiles concernant les produits échangés sur le marché.
L’une des règles de base, est que plus l’offre est rare plus le prix est élevé.
Une œuvre d’art en principe unique peut donc justifier un prix élevé, mais dès lors que son caractère unique n’est plus certain il faudrait que son prix en soit radicalement affecté.
Donc dans un monde parfait, les acteurs du marché de l’art garantissent l’honnêteté et la loyauté des informations qu’ils donnent aux potentiels acheteurs.
En conséquence la clé du marché serait l’information.
Les acteurs du marché fourniraient dans l’absolu, à tous les acheteurs, toutes les informations disponibles, non édulcorées, non retraitées, afin que les acheteurs puissent eux-mêmes se forger leur propre conviction.
L’objectif des vendeurs ne serait plus de se consacrer à ne présenter que des mariées trop belles, et en cela utiliser des techniques de vente plus destinées à tromper l’acheteur ou à faire en sorte qu’il se trompe lui-même en tirant des conclusions suggérées par une information tronquée et arrangée.
Ce que confirme une certaine jurisprudence qui n’hésite pas à faire le constat qu’il est aussi difficile de prouver la fausseté d’une œuvre que son caractère original, et que devant des avis d’experts divergents et opposés il n’est pas possible de trancher en droit.
Par contre cette jurisprudence admet qu’il lui est possible de porter un jugement de valeur sur la nature et le contenu des informations fournies par le vendeur, et ainsi de sanctionner tous les comportements dès lors qu’ils sont de nature à avoir une influence sur la prise de décision de l’acheteur (par exemple omettre de faire état de l’existence de réserves établissant un doute sérieux).
Au regard de cette approche tournée vers le partage d’une information la plus complète possible et la plus honnête possible, les questions devraient être, que reste-t-il de la notion d’authentification et que faut-il attendre d’un éventuel certificat d’authenticité.
Il s’agit en effet de certifier l’origine, la réalité et l’existence de l’œuvre et de son auteur.
S’agissant du certificat d’authenticité la première question qui devrait venir à l’esprit devrait être : qui certifie que le certificat est authentique, et en deuxième lieu que le certificat soit original, authentique ou non, qui certifie qu’il concerne effectivement l’œuvre qui l’accompagne.
C’est-à-dire est-ce qu’un certificat d’authenticité est suffisant pour attester et certifier que l’œuvre présentée serait authentique.
Délivrer ou imposer la présentation d’un certificat d’authenticité revient à tenter de résoudre un problème complexe en en créant un similaire encore plus difficile à résoudre.
Ce qui facilite l’introduction de l’arbitraire dans les rouages d’un tel marché.
Deux exemples simples permettent de mieux appréhender ces questions.
Dans le cadre d’une vente publique aux enchères, le catalogue de la vente décrit une œuvre comme étant d’un artiste connu et reconnu.
Parmi les informations fournies il peut être relevé :
-les Archives X …des informations et autorisations qu’elles nous ont prodiguées.
-la photographie d’une cheminée avec une œuvre similaire.
Pour un acheteur avisé, indépendamment des autres informations fournies deux questions doivent immédiatement se poser :
-il n’existe aucune entité portant la dénomination « Archives X » bien qu’il existe de nombreuses archives de l’artiste. Dans ce cas qu’elles peuvent être les informations fournies, qu’elle est la source réelle des informations et qu’elle peut être la valeur des autorisations auxquelles il est fait référence.
-quel lien matériel existe-t-il entre la photographie, l’objet photographié et l’objet vendu, ils peuvent certes être identiques c’est une option, mais ils peuvent tout aussi bien être totalement différents ce qui est aussi une option tout aussi acceptable.
Comme conséquence de ce constat l’acheteur avisé doit s’interroger sur la motivation du vendeur ou de son représentant, pourquoi ont-ils jugé utile de fournir de telles informations et l’existence de ce questionnement devrait conduire à la remise en question de la conviction qu’il aurait pu se forger sur l’authenticité de l’objet qu’il se propose d’acheter.
En conclusion, il y a certainement des éléments qui attestent de l’authenticité de cette œuvre et l’objectif n’est pas de les remettre en question, mais uniquement de s’interroger sur le contenu de l’information fournie au public et d’analyser cette information au travers de la jurisprudence et des lois du marché, car ce n’est pas totalement anodin, dans de nombreux cas la vente conduit à la délivrance d’un certificat d’authenticité.
Dans un tout autre contexte, il convient de noter les pratiques d’une institution bien connue qui défend l’œuvre de Pablo Picasso, Picasso Administration.
Son administrateur déclare très clairement sur le site de cette institution :
« Picasso administration ne fait pas l’authentification des œuvres de Picasso. Par contre le travail d’administrateur m’a amené à regarder s’il y avait des faux en circulation et les membres de la succession m’ont finalement délégué ce travail. Cette activité s’appelle Picasso authentification. »
En pratique au résultat de ses investigations Picasso Authentification adresse un simple courrier signé par son secrétariat donc totalement anonyme, confirmant que l’œuvre présentée est répertoriée dans l’inventaire de la succession, nulle référence à une certification ou encore à une authentification.
Ce qui se comprend aisément, car qui peut prendre le risque d’authentifier une œuvre à partir de simples photographies.
Il est nécessaire de bien prendre en compte le fait que les catalogues raisonnés comme les inventaires de succession ne sont que des éléments d’information et non des preuves intangibles.
Par ailleurs le fait que l’œuvre présentée en photographie apparaisse dans l’inventaire de la succession ne signifie pas pour autant qu’elle soit authentique.
Par contre si elle n’y figure pas quelle conclusion objective en tirer, toujours au vu de la production de simples photographies.
Le fait de ne pas pouvoir authentifier une œuvre ou de ne pas pouvoir la retrouver dans un inventaire, ne peut pas ou ne devrait pas conduire à la déclarer fausse, toute l’œuvre de Picasso n’est pas dans l’inventaire de la succession.
En conclusion, entre ceux qui sans sourciller délivrent des certificats d’authenticité souvent à durée limitée et ceux qui se bornent à fournir une information basique au regard du contenu d’un inventaire, il faut rechercher le chemin certes plus difficile, la porte étroite, le but étant de fournir une information la plus complète possible, le plus loyalement possible, pour que chaque acteur du marché soit en mesure de prendre sa décision sans être influencé par des artifices quelconques.
Il s’agit d’une ambition légitime et l’objectif devrait être de chercher à la partager avec des acteurs avisés du marché de l’art.