« Gravé dans le marbre » « Verba volant, scripta manent… mieux vaudrait en effet que certaines paroles poursuivent leur vol et s’abîment dans l’oubli. On pense ainsi aux réparties publiques de nos personnalités politiques. Entre aphorismes et brèves de comptoir, leurs verbatim plus ou moins spontanés, révèlent tout autant qu’ils trahissent. Propres à une époque et à une société, leurs propos, dans leur teneur ou leur ardeur, recouvrent cependant une dimension intemporelle méritant d’être méditée. C’est pourquoi, en scribe témoin de son temps, Fabrizio Saracino a entrepris de conserver la mémoire des mots de nos politiciens en les écrivant dans une langue universelle, le latin, afin qu’ils demeurent. Forçant le trait, il les grave dans le marbre. L’oxymore est total. Tout oppose la matérialité du support à l’évanescence du propos, l’antiquité d’une concrétion millénaire à la fugacité d’un trait, la préciosité du marbre à la trivialité d’une saillie. Promises à l’oubli, ces phrases sont désormais vouées à la postérité. Leur éloquence s’en trouve renforcée, leur pérennité assurée, leur vacuité notifiée. O tempora, o mores ! Que sont les Caton et Cicéron devenus ? La désinvolture le dispute à l’inanité, le péremptoire à la vulgarité. Si la vérité s’en trouve altérée, la référence à l’Antiquité vient ici bousculer les valeurs. Frappé du coin de l’ironie, le propos de l’artiste est de souligner, en creux, l’incurie de la parole politique. En la magnifiant par une graphie latine burinée dans les marbres les plus raffinés, il l’inscrit dans l’Histoire. Plus poétique que politique, l’œuvre de Fabrizio Saracino réside aussi dans la beauté des pierres sélectionnées dont les noms précieux renvoient à autant de couleurs irisées ou moirées. Plus critique qu’historique, son œuvre joue néanmoins avec la notion de monumentalité. Par les dimensions et la nature même du support, il interroge notre rapport à la mémoire et sauve in extremis ces salves d’anthologie d’une damnatio memoriae. »
Cyrille Gouyette, Historien de l’art et Chargé de mission au musée du Louvre
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Titre : Mais qui va garder les enfants ? Technique : Rose du Portugal |
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Fabrizio Saracino Né en 1964 à Neuilly-Sur-Seine, Fabrizio Saracino a été initié à l’art jeune par son père, ce dernier très connecté au monde de l’art et lui-même photographe amateur. Après avoir fait des études d’arts plastiques et côtoyé le milieu punk parisien, Fabrizio Saracino intègre une école supérieure de publicité et de marketing. Puis, pendant vingt-cinq ans, il affine sa connaissance de la stratégie et du concept en tant que concepteur-rédacteur pour de grandes agences de publicité parisiennes. A présent, il met sa sensibilité et son observation critique du monde actuel au service de son travail d’artiste.
Rôdé en effet à la maîtrise du mot, de la phrase qui accroche ; celle qui reste : le slogan qui suscite l’émotion, il propose aujourd’hui avec « Gravé dans le marbre » un regard d’observateur citoyen moins critique que témoin. Témoin de son temps, spectateur du théâtre politique et des fulgurances verbales de ses multiples personnages au fil des décennies : « J’ai menti mais c’était de bonne foi » d’un Bernard Tapie, « Je ne pense avoir de problème particulier avec les femmes » d’un Dominique Strauss-Kahn ou encore « La République, c’est moi » d’un Jean-Luc Mélenchon. Inscrits à même la pierre, forts de leur splendeur ou de leur aberration, les mots d’un instant résonnent à présent dans l’éternité. Ici l’engagement de l’artiste n’a pas de couleur, il n’appartient à rien et se fait la critique universelle d’une époque. Ainsi, qu’elle fût choquante ou admirable, Fabrizio Saracino immortalise en latin cette parole médiatique emprisonnée pour toujours dans la noblesse du marbre.
« Quand j’ai rencontré Fabrizio Saracino et qu’il m’a parlé de son projet je l’ai trouvé pertinent, intelligent et artistiquement valable et surtout très beau. De l’idée aux matériaux, tout est magnifiquement orchestré. Fabrizio Saracino est un artiste passionné d’une fine intelligence qui raconte n’importe laquelle de ses œuvres, un projet, avec un enthousiasme, un humour, mais surtout avec une logique intégrant de A à Z toute son œuvre, celle que nous présenterons en avril. Ce sont ainsi plus d’une dizaine d’œuvres de marbre gravé qui seront exposées, mais également une œuvre peinte inédite issue de sa collaboration avec l’artiste d’art urbain italien M. » Roberta Molin Corvo, Galeriste
La collaboration/Fabrizio Saracino et M. Dans le courant du mois de mars, Fabrizio Saracino joindra le travail mené pour « Gravé dans le marbre » à celui du street-artiste M. M, avec sa fascination intemporelle pour l’Antiquité, donne un nouveau souffle aux figures séculaires en les inscrivant dans les enjeux contemporains. Fabrizio Saracino apportera une contribution par son regard aux “phrases dites” qu’il transportera et combinera graphiquement en union avec l’œuvre de M.
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Titre : Au revoir, 2023 |