Huile sur toile, 46 × 38 cm, vers 1897–1898

La redécouverte de ce portrait constitue une contribution capitale à la connaissance des années de formation de Pablo Picasso. Exécuté à Barcelone vers 1897–1898, alors que l’artiste n’a que seize ans, il témoigne de l’ambition précoce et de la maturité étonnante du futur maître.

Un modèle essentiel de l’entourage familial

Le tableau représente Paula, probable cousine de Blasco Ruiz, nourrice des enfants de la famille Ruiz Picasso : Pablo, Lola et Conchita. Elle apparaît ici dans la plénitude de son rôle domestique, vêtue d’une chemise paysanne blanche aux larges plis, saisie de profil droit dans une pose d’une rare sobriété. Le peintre ne cherche ni l’anecdote ni l’ornement, mais capte la dignité silencieuse de cette figure essentielle de son quotidien.

Une qualité picturale remarquable

La construction du visage frappe par sa vigueur : pommettes hautes, front large, bouche scellée, menton ferme. La pâte sobre, la gamme chromatique restreinte et le contraste entre la blancheur de la chemise et le fond sombre confèrent au modèle une monumentalité presque hiératique. L’excellent état de conservation de l’œuvre renforce aujourd’hui son impact visuel, permettant de mesurer pleinement l’assurance technique d’un Picasso adolescent.

Dialogues avec la tradition picturale Cette toile s’inscrit dans une double filiation : celle de la peinture espagnole – on pense à Velázquez et à l’écho lointain des Ménines –, mais aussi celle de Delacroix, dont Picasso connaissait des reproductions, notamment L’Orpheline. L’artiste associe ici mémoire visuelle et observation directe, inaugurant une méthode qui restera au cœur de son travail.

Strates et repentirs : une mémoire enfouie Les analyses scientifiques ont révélé sous la couche visible des esquisses abandonnées, dont un portrait de Lola, sœur du peintre, et les vestiges d’un buste féminin inspiré de Velázquez. Ces repentirs enrichissent le tableau d’une profondeur historique et psychologique rare : l’œuvre est à la fois portrait, palimpseste et témoignage d’un cheminement artistique.

Le diptyque de la mémoire : huile et pastel Quelques années plus tard, Picasso reprendra le visage de Paula dans un pastel signé Por Paula, exécuté après la mort de la nourrice. Si l’huile fixe la présence vivante, solide et digne, le pastel devient un portrait d’adieu, les yeux clos, empreint de recueillement. Ensemble, les deux œuvres composent un diptyque bouleversant, où se joue l’une des premières expériences de Picasso face au thème de la mort et de la mémoire.

Une découverte majeure Par sa qualité picturale, son état de conservation remarquable et sa valeur documentaire, ce portrait de Paula s’impose comme une découverte fondamentale pour le corpus du jeune Picasso. Il éclaire non seulement les débuts d’un génie, mais aussi le cercle familial et affectif qui nourrit son art. Paula, figure discrète de la vie domestique, trouve ici sa juste place dans l’histoire universelle de l’art : celle d’un visage à la fois intime et fondateur, fixé pour toujours par le pinceau du futur maître du XXᵉ siècle.

 

By Art-Trends

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