13 novembre 2024 – 17 février 2025

Né à en 1760 à Sainte-Anne en Guadeloupe, mort en 1832 à Paris, Guillaume Guillon Lethière a été l’un des peintres d’histoire les plus en vue de son temps.  Comme d’autres artistes de sa génération, formés sous l’Ancien Régime et qui achèvent leur carrière en pleine époque romantique, il a été largement oublié, dès la seconde moitié du XIXsiècle ; il est alors considéré comme un classique dépassé par les courants artistiques plus novateurs.

Cette exposition, co-organisée avec le Clark Art Institute de Williamstown, première monographie d’envergure consacrée au peintre, retrace le parcours de Guillon Lethière dans une époque marquée par les bouleversements politiques, artistiques, et sociaux. Elle invite à redécouvrir l’œuvre, et le destin exceptionnel – romanesque –  de ce fils naturel d’une esclave métisse et d’un colon blanc procureur du Roi, devenu l’une des personnalités les plus influentes de son temps.

La question de l’esclavage n’apparaît guère dans son œuvre – largement inspirée par l’histoire et la littérature antiques – avant les dernières années de sa vie. Achevé en 1822, Le Serment des Ancêtres (Port-au-Prince, Musée du Panthéon National Haïtien) est signé « g. guillon Le Thiere né à La guadeloupe». Trésor national Haïtien et point d’orgue de l’exposition*, le tableau fait le lien entre l’histoire personnelle de Guillon Lethière et celle de son temps.

 

 

Une des grandes autorités de son temps 
Guillaume Guillon Lethière a été, écrit Charles Blanc en 1865 dans son Histoire des peintres de toutes les écoles, « une des grandes autorités de son temps ». Lethière a occupé une place de premier plan dans la vie artistique et fut directeur de l’Académie de France à Rome (1807-1816), membre de l’Académie des Beaux-Arts (élu en 1818), professeur à l’École des Beaux-Arts (nommé en 1819).
Il a conservé tout au long de sa vie des liens étroits avec les cercles abolitionnistes, et avec des personnalités et artistes venus des Antilles, ainsi avec la famille du général Dumas.

Survivre aux bouleversements politiques
Comme nombre de ses contemporains Lethière dut, pour asseoir sa carrière, rester en vue et obtenir des commandes du pouvoir en place, s’adapter aux changements de régimes et aux bouleversements politiques, de la période révolutionnaire à l’aube de la Monarchie de Juillet.

L’atelier de Guillon Lethière. Les Élèves femmes
Guillon Lethière ouvrit un atelier dès 1793 et enseigna toute sa vie, dans ses ateliers privés successifs et, à partir de 1819, à l’École des Beaux-Arts.
Cette salle évoque plus particulièrement les élèves peintres femmes, en particulier Eugénie Servières et  Hortense Haudebourt-Lescot, qui furent sans doute les plus douées.

Classicisme
Au début de sa carrière, Lethière est en phase avec la réaction néoclassique. Dans années 1810 et 1820, il oriente ses recherches dans des directions différentes, et son style se rapproche parfois de tendances pré-romantiques mais, en dehors des commandes de l’État, il reste attaché aux sujets tirés de la mythologie, de l’histoire et des textes antiques, ou de la littérature classique, se détournant du sujet moderne. Ses paysages sont dans la veine du paysage historique.

Brutus et Virginie : les « grandes machines »
Durant son séjour de pensionnaire à l’Académie de France à Rome (1786-1791), Lethière avait envisagé un cycle de quatre compositions consacrées à l’histoire romaine antique. Deux aboutirent aux compositions les plus ambitieuses et les plus spectaculaires du peintre :  Brutus (1811) et La Mort de Virginie (1828). Entrées dans les collections du Louvre dès le XIXe siècle, elles furent longtemps ses œuvres les plus célèbres. Monumentales ( 8 mètres de long) elles ne peuvent être déplacées et restent exposées salle Denon : cette section est consacrée au long travail préparatoire qui occupa l’artiste durant de longues années – presque toute sa vie pour Virginie.

Le Serment des Ancêtres
C’est secrètement que Guillon Lethière peint Le Serment des Ancêtres, achevé en 1822. L’esclavage a été rétabli depuis 1802 et l’indépendance d’Haïti, ancienne colonie française de Saint-Domingue, n’est pas encore reconnue par la France.
Offert par l’artiste à la nation haïtienne, le Serment est à la fois tableau le plus personnel du peintre, et celui dont la portée historique est la plus universelle.
Une section pédagogique consacrée au tableau permet de mieux saisir ses enjeux historiques et esthétiques.

La signature de l’artiste
L’artiste signe ses premières œuvres « Le Thiere » ou « Lethière » : c’est son nom d’enfant naturel qui signifie « le troisième enfant » (de son père).
En 1799, il est reconnu par son père, Pierre Guillon, dont il peut désormais porter le patronyme. Cette reconnaissance de filiation et ce droit ont une grande importance à ses yeux. Il signe alors, la plupart du temps, ses œuvres et sa correspondance officielle, « Guillon Lethière », parfois abrégé : « Gion  Lethière ». C’est ce nom, qui rend compte de la complexité de sa biographie, aspect spécifiquement abordé dans l’exposition à Paris.
On trouve encore cependant, après 1799, le nom du peintre sous différentes formes, dans la signature autographe comme dans des estampes d’après son œuvre ou dans des textes du XIXe siècle le concernant.

 

 

Exposition co-organisée avec le Clark Art Institute de Williamstown, où elle était présentée du 15 juin au 14 octobre 2024.

Commissaires :
Musée du Louvre
Marie-Pierre Salé, conservatrice générale au département des Arts graphiques

Clark Art Institute, Williamstown
Esther Bell, directrice adjointe ; Robert et Martha Berman Lipp conservatrice en chef ; Olivier Meslay, Hardymon directeur ; assistés de Sophie Kerwin, assistante de conservation.

 

Catalogue de l’exposition
Sous la direction d’Esther Bell, Olivier Meslay et Marie-Pierre Salé.
Coédition musée du Louvre / Snoeck,
En partenariat avec le Clark Art Institute.
293 ill., 432 p. 59 €.

 

*A cette date, le Serment des Ancêtres, généreusement proposé au prêt par le musée du Panthéon national haïtien, n’est pas en mesure de voyager.

By Art-Trends

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